Quelles compétences développent les étudiantes et étudiants dans cette UEO pro ?

Sylvain Delouvée et Florian Hémont, responsables de l’UEO* : Tout d’abord, c’est important de préciser que bien qu’il s’agisse d’une UEO pro, nous ne formons pas des techniciennes et techniciens de l'audiovisuel, c’est une formation universitaire mobilisant des connaissances théoriques vers le monde professionnel. L’idée est d’apprendre à “parler de la société” en référence à l’ouvrage d’Howard Becker, à l’interroger à travers des formes audiovisuelles, à co-construire un regard. 

De plus, l’UEO rassemble des étudiantes et étudiants de différentes disciplines : cinéma, information communication, mais aussi histoire, arts, etc. Tout l’intérêt est de croiser les regards et les compétences, d’autant plus que les formes de problématisation sont très différentes selon les disciplines. C’est pourquoi nous travaillons aussi sur des thématiques transversales telles que l’eau, les urbanités, les migrations, le corps…

Comment ont réagi les étudiantes et étudiants quand vous leur avez donné la thématique de cette année, “Approche sensible de l’eau” ?

Comme chaque année, quand on leur donne la thématique, ils et elles nous regardent d’abord avec des grands yeux [rires] ! Le thème les déstabilise toujours au départ. Ensuite ils et elles choisissent des sujets toujours très différents. Par exemple, pour le thème “Migrations”, un groupe a recueilli le témoignage d’un sans-papier, tandis qu’un autre a travaillé sur la migration des poissons afin de nous dresser une réflexion sur l’evolution des conditions de travail des marins pêcheurs… Dans tous les cas, l’enjeu est d’essayer d’intéresser le spectateur ou la spectatrice à quelque chose qui a priori ne le ou la concerne pas. Porter un regard qui n’est donc pas juste descriptif mais aussi analytique : de quoi allez-vous nous parler au fond ? Par exemple, un documentaire sur le tatouage est aussi un questionnement sur l’expression et le vécu de normes sociales, les traditions, l’histoire familiale, les trajectoires de vie, etc. À chaque fois, les sujets reflètent vraiment les préoccupations de l’époque des étudiantes et étudiants : les violences sexistes et sexuelles, la place des femmes, l’importance des minorités et de leur intégration, les situations de handicap, les rapports au travail, les formes d’appropriation de l’espace public, etc.

En quoi consistent concrètement les cours ?

Au début, nous travaillons sur les formes audiovisuelles, dont ils et elles ont souvent une vision un peu standardisée. Nous leur fournissons certaines références. Il y a quelques exercices techniques (faire une interview multi-caméras, de la post-production sonore, etc.) et des petites tâches de créativité, comme par exemple un tourné-monté en deux heures sur un sujet. Le but est de travailler sur les conséquences des choix techniques, les sensations qu’ils peuvent engendrer. Car plutôt que de s’en remettre au hasard en ce qui concerne les choix techniques, nous préférons qu’ils procèdent d’une intention. On s’interroge sur ce que va apporter l’audiovisuel par rapport à la forme narrative écrite. Puis dès qu’ils et elles ont leur sujet, on avance en mode projet, avec un suivi par l’équipe pédagogique constituée d’une réalisatrice et d’un réalisateur de docu, et d’une sociologue. 

Comment décririez-vous le résultat ?

C’est très varié : nous avons des documentaires dont la forme est plutôt classique, d’autres lents et contemplatifs, des formes immersives… Le résultat montre que l’UEO est un espace privilégié d’accompagnement sur le temps long. On y voit très bien l’identité de Rennes 2 dans le traitement des sujets, les regards apportés. Ce sont des productions qui reflètent parfaitement ce que peut apporter notre université à la société. 

* Sylvain Delouvée est maître de conférences HDR en psychologie sociale.
Florian Hémont est maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, et ancien professionnel de l’audiovisuel.